Il avait fallu qu’elle le fasse. Même si elle ne l’avait pas vraiment voulu. D’ailleurs, qu’est-ce qu’elle avait voulu ? Emma l’avait fait comme si cela avait été obligatoire, comme s’il n’avait pas été possible de faire autrement. Elle avait été là où on lui avait dit. Elle avait marché jusque là, toute petite, enveloppée dans son manteau de laine, tremblante. Elle avait le papier, avec l’adresse. Il fallait qu’elle marche encore. Un peu plus loin. Et le soleil venait d’apparaître comme une incandescence, entre deux nuages. Il lui brûlait les yeux. Qu’est-ce qu’elle en avait à faire du soleil ? Maintenant, justement maintenant qu’elle remontait la rue pour rejoindre l’adresse écrite sur le papier. Peut-être qu’elle n’irait pas jusque là… mais si elle n’y allait pas ? Et ce soleil ! Qu’est-ce qui l’a décidée ? Et puis, maintenant, est-ce qu’elle est décidée ? Elle marche pourtant vers l’adresse. Elle sait qu’elle n’a pas beaucoup de temps. Elle doit aller chercher Jacques à la garderie. Il faut faire vite. « Ne vous inquiétez pas » lui a-t-on dit « cela se passera très vite ». Emma est si seule dans ce soleil qui l’éblouit et qu’elle déteste pour apparaître justement maintenant, à ce moment où il faut qu’elle aille là, à cette adresse sur le papier. Elle pourrait courir ou simplement se dépêcher puisqu’elle n’a pas beaucoup de temps mais le poids de son corps, pourtant si léger, lui pèse. Elle avance à reculons. Elle pleure. On lui a dit pourtant que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Dans sa situation. Elle, elle ne sait pas si c’est mieux mais tout est au-dessus de ses forces. Alors elle fait ce qu’on lui a dit. Elle va à l’adresse écrite sur le papier.