Elle

Recueil de poésie

Elle s'est frôlée de gorges pures. Elle s'est mêlée aux rasoirs à vif et forte de sa fragilité, elle a dressé la muraille splendide qui la tourmente et la protège. C'est une reine. C'est une esclave. C'est un baiser qu'elle a perdu et qui la mord au creux du cou. "Deux doigts de porto, rien de plus", dit-elle. Deux doigts. Juste de quoi tremper les lèvres. Juste de quoi se dissiper.

 

                Elle connait trop ce qui la blesse, elle joue à ne plus jouer. Sa craie obscurcit la marelle du temps qu'elle a éparpillé. Elle a des cris d'insectes qui la creusent dans son écorce et si vous la voyez, si droite, si tendue, oh ne la touchez pas, elle est poussière de termites. Ne la touchez pas, je vous dis. Votre regard la tient debout. Votre regard la fait trembler.

 

                Sans doute aurait-elle à se taire, à laisser ses mots la noyer. Elle a le discours facile, comme une ligne de mirage, un leurre qui rêve d'être vrai et qui attend. Ne la blessez pas davantage. Elle connaît le poids d'un instant.