Hilda est rentrée chez elle. Elle a appelé Maria. Charles est mort. La bombe est tombée à côté. Oui, la maison d’à côté. La maison s’est effondrée. Charles ? Une fracture du crâne, un choc de pierre, je ne sais pas. Il n’était même pas blessé mais il était mort. Quand elle est arrivée, il était déjà mort. Ils ont dit qu’il était mort sur le coup, qu’il n’avait pas souffert. Ils l’ont transféré dans une chapelle ardente à l’hôpital. Pour les obsèques, ils ont donné une adresse. Emma, elle, ne viendra pas. Elle n’a personne pour garder les enfants, et puis à cause des réquisitions, les lignes ferroviaires sont perturbées. Oui, elle aurait pu faire un effort, c’est son beau-père tout de même. Mais non, elle ne peut pas, c’est ce qu’elle dit. De Victor, non, pas de nouvelles, ni de Frantz. Elle dit tout cela à Maria. Et puis elle se prépare à aller là-bas, à la chapelle ardente, là où on lui a dit. Elle est comme creuse de cette déchirure soudaine. Charles, ce tous les jours de toi que je n’aurai jamais plus, ce pain que tu allais chercher et qui t’a tué. Elle voit, dans un rayon de soleil, sa pipe éteinte à côté du journal, sa tasse de café à moitié vide, ses chaussons qu’il avait quitté pour sortir. Non ! Elle crie. Non ! Elle touche la tasse, elle touche le journal, elle déborde de sanglots et de vide, du manque de lui, son homme de toujours et qu’elle perd.