Et la voilà, toute petite, cherchant dans la foule, l'écharpe qui a disparu. Sigmund et Virginia aboient. Les gens la bousculent. Mais ne restez donc pas là, vous voyez bien que vous dérangez. Vous dérangez la course du monde qui avance, plantée là avec votre cabas de voleuse, vous dérangez la course aveugle du monde qui ne veut pas vous savoir immobile, vous grippez les rouages huilés qui ne doivent pas savoir pourquoi ils tournent, vous êtes une poussière subversive à rester là, debout, les yeux écarquillés sur un souvenir que l'avenir piétine. Allez-vous-en ou l'on va vous pousser, on va vous mettre à votre place, dans votre boîte, que votre image d'ivrogne ne soit pas une offense à notre ordre, que votre saleté n'empeste pas notre air aseptisé parfumé au lilas. Allez-vous-en, allez tituber dans votre solitude, surtout ne parlez pas, ne réveillez pas les consciences, il faut que le monde continue à dormir en marchant, il faut qu'il continue à tourner tout seul sur lui-même, dans ce mouvement perpétuel qui doucement se déglingue, il faut... il faut que personne ne sache...