Le début


  

            Le corps avait été trouvé dans le lacis de racines de la mangrove palustre. Il avait fallu l'inhumer très vite. Deux jours qu'il avait disparu. On disait qu'il était tout gonflé. J'essayais de l'imaginer avec de la brioche et des poches sous les yeux. Cela faisait bizarre. On est allé voir, César et moi, sur le bord du fleuve, là où ils l'ont trouvé. Il avait échoué sur les racines échasses, un lambeau de sa chemise y était encore. Les pieds dans la boue noire de la berge, nous regardions l'eau jaune s'enrouler en spirale faisant valser des brindilles et des feuilles dans le réseau de racines presqu'aussi grosses que des branches qui y plongeait à la verticale. Le cœur de l'après-midi, la chaleur dense, les jaillissements de gouttes fraîches, la réverbération du fleuve, le silence rompu par l’éclaboussement mouillé d'une branche, d'un fruit qui tombe, la fraîcheur des gouttes sur mes joues écarlates malgré l'ombre de mon chapeau, l'odeur moisie de la terre humide qui dévore la matière organique.