Le docteur Bellucchi parlait doucement. Il parlait toujours doucement. C'était presque un chuchotement. Depuis aussi loin que je m'en souvienne, j'entends sa voix grave comme une caresse. Il me raconte une histoire. L'histoire de la souris vénitienne. Je vois Venise et ses canaux comme sur les images. La souris connaît tous les palais de la lagune au pont Rialto et ses boutiques. Le docteur raconte les palais, Dario, Venier dei Leoni, Grimani, Rezzonico et puis bien sûr, la Casa d'Oro où les tapisseries sont particulièrement délicates et bonnes à grignoter. C'est une souris qui a traversé le temps, toujours fringante et grise, d'un beau poil lustré. Quand le docteur raconte les aventures de la souris vénitienne, il a la voix qui chante. L'Italie dans chacun de ses mots sonne en couleur. Il traduit pour moi le livre d'images dont le texte est en italien mais quand le verbe l'entraîne, il en oublie son rôle et, volubile, il poursuit la souris dans les dédales des souterrains humides dans sa langue natale. Je perds le fil de l'histoire mais qu'importe, la musique est plus belle que les mots. Ma mère est là, qui nous regarde et qui rit. Elle a le rire qui tinte clair, des petites rides qui se plissent au coin des yeux.

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